Cine-Files : Quelle est votre motivation après six saisons d'Entourage ?
Jeremy Piven : Je pense que la série ne fait que s'améliorer. Cette dernière saison se concentre de plus en plus sur la qualité des scénarios que les précédentes. Entourage devait être une série sur le rêve et l'arrivée au sommet. Finalement, la série parle des amis d'une star du cinéma qui essaient de vivre à travers lui. Ils avancent dans leur vie grâce à sa réussite et non leur propre mérite. J'estime que la série a beaucoup mûri. Mon personnage devait être qu'un élément secondaire de l'histoire. Il est devenu de plus important au fil du temps.
Cine-Files : Comment voyez-vous l'évolution d’Ari Gold durant ces dernières saisons ?
J. Piven : J'ai toujours eu l'impression que le personnage prenait de plus en plus d'importance depuis le début malgré une présence limitée à l'écran. Dans les premières saisons, il n'était utilisé que comme un représentant du monde professionnel. D'un côté, il y a ces jeunes gars qui ne cherchent qu'à remporter des points auprès des filles grâce à leur copain star, et d'un autre, cet univers professionnel dans lequel Vince doit évoluer afin d'obtenir le glamour et le respect. Ari a évolué parce qu'il était nécessaire de voir davantage ce monde professionnel, ce qui s'y passe, la vie de Vince en tant qu'acteur. J'ai toujours vu Ari comme un personnage fascinant. Il suffisait de laisser au public le temps de s'en rende compte.
Cine-Files : Vous avez remporté plusieurs Emmy pour ce rôle. Cela vous a-t-il permis d'avoir plus de temps à l'écran ?
J. Piven : Je ne crois pas que les scénaristes soient vraiment intéressés par le nombre de prix que vous remportez mais davantage par la performance. Je pense qu'ils sont plus envieux de savoir si le personnage est toujours aussi attirant qu'au début ou s’il est bien interprété.
Cine-Files : Avez-vous déjà viré un agent ?
J. Piven : Oui, cela m'est arrivé.
Cine-Files : Pourquoi ?
J. Piven : Je n'aurais peut-être pas dû mais j'ai viré mon agent parce qu'il n'était pas honnête avec moi. Il me disait que tout tournait autour de l'argent. Ce qui n'est pas le cas. Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. Jeremy Piven est donc très différent d'Ari Gold. J'ai grandi dans la famille du théâtre. Je ne suis qu'un acteur de théâtre qui cherche de bons rôles. Je ne cours pas après l'argent. Je suis convaincu que l'argent suit si on travaille dur et consciencieusement.
Cine-Files : Que détestez-vous le plus à Hollywood ?
J. Piven : J'ai un jour utilisé une superbe réplique qu'Ari a repris par la suite dans la série. C'est un acteur qui demande à son agent pourquoi il n'a plus eu de ses nouvelles malgré ses rappels. Et l'agent lui répond : "Je gère les personnes qui font l'actu et tu n'es pas au top aujourd'hui. Pourquoi devrais-je perdre mon temps avec toi ?". Le business peut être très dur. Dans certains pays, les gens vivent à l'échelle de ce qu'ils ont construit alors qu'à Hollywood, tout n'est qu'une question de chiffres. Quelles sont les entrées du week-end ? Combien de spectateurs étaient devant la télévision ? Plus personne ne se soucie de savoir si les acteurs sont bons, si ils font rire, etc.
Cine-Files : A quel niveau de succès êtes-vous aujourd'hui ?
J. Piven : Je ne sais pas. C'est une bonne question. Je n'en ai aucune idée.
Cine-Files : Les gens du business vous traitent-ils différemment d’il y a quelques années ?
J. Piven : Je crois que la récession a touché plus le milieu qu'on ne le pense. Hollywood a été très atteint. Les studios ne prennent plus de risques. Ils sont plus sceptiques. On tourne moins de films actuellement. C'est plus difficile de décrocher des rôles aujourd'hui.
Cine-Files : Même pour Brad Pitt ?
J. Piven : Oui. Brad Pitt est un très bon exemple. Il a récemment connu l'expérience du dernier film de Steven Soderbergh dans lequel il devait jouer et qui a été annulé en dernière minute. Je suis sûr qu'ils arriveront un jour à faire le film mais pas aujourd'hui. Heureusement, Brad Pitt n'a pas de difficulté à trouver de travail. Mais il y a très peu de gens comme lui ou Will Smith. Si on ne fait pas partie de leur catégorie, le métier est beaucoup plus difficile.
Cine-Files : Si vous étiez agent à Hollywood, qui aimeriez-vous représenter ?
J. Piven : J'aimerais représenter quelqu'un comme Sean Penn ou Benicio Del Toro parce que ce sont des acteurs extraordinaires. Javier Bardem... Ces gens m'intéressent parce qu'à chaque fois qu'ils apparaissent à l'écran, ils garantissent un niveau de performance très intense.
Cine-Files : Avez-vous déjà eu peur de dire non à un rôle ?
J. Piven : Cela m'est arrivé… Il m’est très difficile de dire non. C'est l'un de mes plus gros problèmes. Pas en tant qu'acteur mais en tant qu'homme. Le fait de ne pas savoir dire non veut aussi dire ne jamais s'arrêter de travailler. Ce qui m'est arrivé. Je disais oui à tous les rôles mêmes les plus insignifiants. J'étais persuadé de pouvoir en faire quelque chose malgré un mauvais scénario. On saute d'un film à l'autre et on termine sur les genoux.
Cine-Files : Ne pensez-vous pas qu'aujourd'hui Ari Gold devrait persuader Vince d'être une star de télévision et non de cinéma ?
J. Piven : (rires) Si vous vous souvenez bien, l'ego de Vince l'a très mal pris lorsqu'il ne tournait plus et qu'on lui a offert de travailler à la télévision. La télévision a longtemps porté la mauvaise étiquette de « métier pour les acteurs qui n'avaient plus de possibilité ». Aujourd'hui, la tendance s'est inversée. De nombreux acteurs de cinéma font de la télévision. C'est là que se trouvent les bons scénarios, les bons rôles. La télévision n'est plus ce qu'elle a été.
Cine-Files : Comment décririez-vous Ari Gold ?
J. Piven : Ari Gold ne connaît pas la diplomatie. (rires) Il aime parler fort, casser les meubles, etc. C'est très libérateur pour un acteur. Je me rends au travail et crie sur tout le monde sans me faire incarcérer. (rires) Ari est très intelligent. Il travaille dur, il est passionné et il aime Vince. Il est doué dans sa profession. Le plus amusant dans le personnage est de voir jusqu'où il peut aller et s'en sortir.
Cine-Files : Quel souvenir gardez-vous du tournage au Festival de Cannes ?
J. Piven : C'était génial parce que personne ne nous connaissait. Nous pouvions donc filmer sans problème et utiliser les gens comme figurants. Nous marchions impunément dans les rues avec une caméra à l'épaule. C'était extraordinaire !
Cine-Files : Vous n'étiez pas déçu de ne pas être reconnu dans les rues ?
J. Piven : Non. J'ai adoré cela !
Cine-Files : Avec le succès de la série, trouvez-vous encore le temps de jouer de la batterie ?
J. Piven : (rires) Oui, je joue dès que je peux. Je ne peux m'empêcher de jouer.
Cine-Files : De nombreuses stars sont apparues dans la série... Que pouvez-vous nous dire de Gary Busey ?
J. Piven : (rires) Gary Busey est un homme très excentrique ! Il était l'une des premières stars apparues dans la série. Je n'oublierai jamais son épisode, "Busey and the Beast". C'est dans cet épisode qu’Ari perd les pédales. C'est à ce moment qu'il est devenu un vrai atout pour la série.
Cine-Files : A quand remonte la dernière fois où vous vous êtes comporté comme Ari Gold dans la vraie vie ?
J. Piven : (rires) Il arrive à tout le monde de se fâcher à un moment ou un autre et de s'en vouloir par la suite. J'essaie toujours de me contrôler au maximum. Interpréter Ari est très thérapeutique. J'en discutais récemment avec John Malkovich. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir jouer des personnes fâchées. C'est aussi défoulant que de se rendre à un cours de yoga. Cela nous évite d'être un connard dans la vraie vie. Je suis quelqu'un de très calme. On me demande souvent où est Ari. (rires) Les gens sont parfois déçus que je ne sois pas aussi speedé que lui.
Cine-Files : Pourquoi pensez-vous que les spectateurs soient aussi fascinés par l'envers du décor hollywoodien ?
J. Piven : Je pense que les gens veulent savoir comment vivent les stars, comme en Grande-Bretagne pour la famille royale. Nous n'avons pas de royauté aux Etats-Unis. Je crois que les gens veulent savoir comment on dépense notre argent. C'est un fantasme ! C'est probablement pourquoi la série a tant de succès. Je m'attendais à ce que le public veuille voir ce genre d'histoire.
Cine-Files : Pensez-vous que la série soit réaliste ?
J. Piven : Je crois qu'on utilise l'essence de la vie à Hollywood et on la déforme un peu en s'amusant. Mais il y a des personnes comme Ari Gold à Hollywood, croyez-moi !
Cine-Files : Comment aimeriez-vous voir évoluer Ari Gold ?
J. Piven : J'ai proposé quelques idées mais je ne sais pas si elles vont être retenues. J'aimerais un peu plus le voir en famille, connaître ses origines. Je crois que c'est l'aspect le plus fascinant de sa personnalité. Je veux voir d'où vient Ari Gold.
Cine-Files : Certains acteurs de la série sont-ils devenus votre Entourage ?
J. Piven : Nous nous entendons très bien. On devient naturellement proche lorsque l'on se côtoie pendant six ans. Kevin Dillon a eu un bébé. La maman de Kevin Connolly est décédée. On grandit ensemble. Ma soeur a accouché le même jour que l'anniversaire de Kevin Connolly. Nous sommes devenus une sorte de famille.
Cine-Files : Aimeriez-vous interpréter Jeremy Piven dans Entourage ?
J. Piven : C'est une bonne question. Ce serait amusant de voir Ari Gold représenter Jeremy Piven. Ce serait bizarre. Je ne pense pas qu'Ari Gold aurait suffisamment de patience pour Jeremy Piven parce que j'aime choisir mes rôles en fonction du type de personnage et de l'histoire. L'argent est secondaire. Ce qui rendrait Ari complètement fou. Cela semble étrange à dire mais totalement vrai.